La stratégie numérique du Québec sous le signe des communs

Dix-neuf associations, collectifs, entreprises et organismes sans but lucratif s’unissent pour signer une Déclaration des communs numériques dans le cadre du processus de consultation de la Stratégie numérique du Québec.

Montréal, 28 février 2017 – Dix-neuf associations, collectifs, entreprises et organismes sans but lucratif 1, qui jouent un rôle actif dans l’écosystème numérique québécois, s’unissent pour signer une Déclaration des communs numériques dans le cadre du processus de consultation de la Stratégie numérique du Québec. Ce document, rédigé collaborativement par ces différents acteurs, réitère l’importance d’inscrire cette démarche de consultation en se préoccupant globalement des transformations de notre société dans la transition numérique plutôt que d’axer celle-ci sur les impératifs économiques du changement technologique. La Déclaration affirme l’urgence de remettre le numérique au service de l’humain, de ses capacités fondamentales et des biens communs afin d’améliorer la vie des gens et de soutenir une démocratie plus inclusive.

“ Il n’est pas minuit moins cinq, nous avons dépassé minuit. C’est fait ! Nous allons vivre dans un monde post-américain, post-Internet, post-néolibéral et postmoderne a écrit Michel Cartier, et il avait vu juste. Bien plus qu’une révolution technologique, c’est un véritable changement de société qui s’est amorcé. Et il se fera avec ou contre nous” a déclaré Josée Plamondon, collaboratrice du Café des savoirs libres.

La stratégie numérique du Québec et la démarche de consultation

La technologie est de moins en moins au service des humains, et de plus en plus au service de ses propres fins, cherchant avant tout à supporter sa propre expansion, portée par des impératifs économiques.

Le Gouvernement du Québec est actuellement en train d’élaborer une stratégie numérique « pour un virage réussi du Québec dans la révolution numérique mondiale. » Cette stratégie, qui sera dévoilée au printemps 2017, énoncera une série d’orientations et d’objectifs en vue de définir des approches visant à améliorer la vie des citoyen.ne.s en lien avec le numérique. En plaçant la réflexion concernant l’avenir numérique du Québec sous les auspices du développement économique, qui veut-on servir ici : la technologie ou les gens ? Il nous apparaît essentiel, dans ce contexte, de replacer les citoyen.ne.s et et les communautés au coeur de cette Stratégie.

Les signataires de la Déclaration croient :

  • Que le gouvernement doit s’assurer que les citoyen.ne.s et les membres de la société civile soient davantage engagé.e.s dans l’élaboration de cette Stratégie du numérique qui a des implications dans la fabrique de leur vie aujourd’hui et demain;
  • Que le gouvernement se doit d’être exemplaire en s’engageant à amorcer en son sein les changements organisationnels et culturels requis afin de moderniser l’État, de s’ouvrir à la démocratie participative et d’améliorer les services aux citoyens (Gautrin 2012);
  • Que de nombreuses voix n’auront pas eu les moyens et les capacités d’être entendues.
  • Que des questions fondamentales n’auront pas été posées et discutées à travers la méthode de consultation actuelle.

Et la Déclaration soulève certaines d’entre elles.

Sous le signe des communs

La Déclaration souligne le rôle des “communs” à créer, à défendre, à promouvoir dans cette vision du numérique centrée sur l’humain :

Ce numérique auquel nous aspirons est un commun, une ressource partagée par les communautés qui se mobilisent et s’organisent pour la produire, la créer, la protéger, la valoriser au bénéfice de toutes et de tous. Ce numérique existe et prospère. Pour des communautés engagées dans le partage des savoirs co-créés, ces pratiques issues du modèle des communaux trouvent, par l’entremise du numérique, un territoire qui n’aura jamais été aussi vaste. Le domaine public, les logiciels libres sont des exemples de communs de la connaissance, de communs numériques, qui sont vitaux pour le travail, l’éducation, la science, la culture, la liberté d’expression aujourd’hui. De surcroit, ce numérique constitue la dorsale d’une économie collaborative en plein essor mobilisant les ressources, le talent et l’énergie des citoyen.ne.s dans la concrétisation de projets inédits et porteurs.

Un processus co-créatif et itératif

C’est dans cette perspective que FACiL et les collaborateurs du Café des savoirs libres se sont proposés d’inviter divers associations, collectifs, entreprises et organismes sans but lucratif à participer à la co-création d’une déclaration commune plutôt que de contribuer individuellement à la consultation gouvernementale. Le 12 novembre 2016, lors d’une première rencontre, à Montréal, à la bibliothèque Mordecai Richler, les participant.e.s, organismes et citoyen.nes, se sont entendus sur des principes généraux plutôt que sur des moyens, afin de rassembler des signataires partageant les mêmes préoccupations. La rédaction s’est poursuivie de façon collaborative. La démarche globale se veut itérative et ouverte aux regroupements et associations qui se reconnaîtront dans cette déclaration ou qui souhaiteraient s’en inspirer pour élaborer leur propre document.

le Café des savoirs libres

PS : Si vous partagez nos préoccupations, nous vous invitons à soutenir cette déclaration sur la plateforme Stratégie numérique du Québec en cliquant sur le bouton “j’aime” de notre contribution.

1. [FACiL, Communautique, le Café des savoirs libres, OKFN Canada, OpenStreetMap Montréal, Wikimédia Canada, Fab Labs Québec, l’Association science et bien commun, Techno Culture Club, Procédurable, Percolab, OuiShare Québec, la Maison de l’innovation sociale, Remix biens communs, NordOuvert, LinuQ, Espaces temps, l’Adte (accès libre aux ressources, à la recherche scientifique, aux données et aux logiciels pour l’enseignement supérieur), TIESS (Territoires innovants en économie sociale et solidaire)]

Les entrants dans le domaine public canadien en 2017

Le 1er janvier est la journée du domaine public et, à partir de cette date, les œuvres et les créations d’une nouvelle cohorte de créateur.ice.s deviennent accessibles librement en s’élevant dans le domaine public et en acquérant le statut de « patrimoine commun ». Voici une sélection des entrants dans le domaine public canadien en … Continuer la lecture de “Les entrants dans le domaine public canadien en 2017”

Le 1er janvier est la journée du domaine public et, à partir de cette date, les œuvres et les créations d’une nouvelle cohorte de créateur.ice.s deviennent accessibles librement en s’élevant dans le domaine public et en acquérant le statut de « patrimoine commun ».

Voici une sélection des entrants dans le domaine public canadien en 2017 : Alberto Giacometti (sculpteur), Kathleen Thompson Norris (écrivaine), Margaret Sanger (essayiste), Pierre Mercure (compositeur), Cluny MacPherson (inventeur), R.T.M Scott (écrivain), Robert F. Hill (cinéaste), Anna Langfus (écrivaine), Suzanne Césaire (écrivaine), Cécile Biéler (Butticaz) (ingénieure), Jean Hans Arp (peintre, sculpteur, poète), Geneviève Massignon (linguiste), Dantès Louis Bellegarde (politicien, historien, essayiste), Julie Rouart (Manet) (peintre), Bud Powell (musicien), Charles Thorson (illustrateur), Blodwen Davies (écrivaine), Jean-Yves Bigras (cinéaste), Frank O’Hara (poète et critique), Elizabeth Wyn Wood (sculptrice), Richmond P. Hobson (écrivain), André Breton (écrivain), Oswald Michaud (inventeur), Georges Duhamel (médecin, poète, écrivain), Colette Bonheur (chanteuse), Buster Keaton (cinéaste), Luitzen Egbertus Jan Brouwer (logicien), Joseph-Papin Archambault (écrivain), Ernest W, Burgess (sociologue), Octave Georges-Maris Bilodeau (écrivain), Anna Akhmatova (poétesse).

Le calendrier qui les célèbre

Depuis l’an dernier, le collectif du Café des savoirs libres célèbre tout au long du mois décembre une sélection de nouveaux créateurs dont les oeuvres accèdent au domaine public le 1er janvier. Chaque jour du mois le plus sombre, une porte s’ouvre à cette adresse : https://avent.savoirslibres.ca/ en révélant le profil d’un.e créat.eur.trice dont l’oeuvre est appelée à entrer dans le domaine public canadien et à devenir un trésor du patrimoine commun que l’on peut partager, ré-utiliser, remixer librement.

Ce projet de calendrier de l’avent qui sert de dispositif de célébration du domaine public a été développé par le collectif français SavoirCom1 d’après une idée de Julien Dorra. À cette occasion, nous faisons, conjointement et pédagogiquement, résonner les différences de droit en vigueur au Canada et en France.

Si l’on considère sa législation, le Canada appartient à la catégorie des pays dits «vie+50», qui concernent la plupart des citoyens du monde, où les droits expirent 50 ans après la mort de l’auteur. Depuis le 1er janvier 2017, les œuvres des auteur(e)s/créateurs/trices de ces pays qui sont morts en 1966, sont entrées dans le domaine public – sauf exception.

La France appartient à la catégorie des pays «vie+70», nos homologues ont plutôt cherché des entrants morts en 1947. Cela donne lieu à des situations curieuses. Par exemple, on retrouve désormais André Breton ou Anna Langfus libéré.e.s chez nous, mais qui attendront leur tour, pour vingt ans encore (au moins) en France. On peut consulter sur Wikipédia, la liste des durées du droit d’auteur par pays.

Les motivations qui supportent nos efforts et notre engagement dans la valorisation du domaine public sont exprimées et expliquées dans cette Joie de la Parisienne libérée, une joie dont la contagion est globale.

De ce côté de l’Atlantique, le cortège des 31 auteur.e.s/créateur.rice.s qui ont été révélé.e.s ont été choisi.e.s à partir d’un jeu de contraintes : rechercher d’abord des candidats québécois et canadiens, équilibrer les hommes et les femmes, les personnes de couleur, considérer la portée significative de l’oeuvre, la francophonie, le continent américain.

Extraite dans un ensemble plus grand, la sélection reflète nos intérêts, mais surtout notre capacité à trouver les entrants, une capacité qui intègre aussi le souci d’atténuer les mécanismes préférentiels favorables aux cultures dominantes et aux privilégiés. Ce n’est pas une tâche facile, malgré toutes nos bonnes intentions, et si je peux consacrer un autre article aux misères de la recherche, de la sélection, de la foire aux questions légalistes, je reviendrai sur certains aspects troublants de ce projet moins simple à conduire que ses dehors souriants et ludiques ne veulent bien le laisser paraître.

Les nouveautés

Cette année a été l’occasion d’introduire quelques nouveautés dans nos pratiques en atelier. Même si nous avons fait appel à Bibliothèque et Archives Canada (BAC) et, surtout, à Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) pour nous aider à repérer des entrants, c’est d’abord grâce à l’apport de Wikidata, la base de données libre regroupant les données des projets de la fondation Wikimédia, que nous avons pu constituer la liste des élu.e.s. Ce recours à Wikidata constitue un exemple patent d’utilisation des données ouvertes sur le web au service de la culture, des connaissances et de la mémoire.

Ensuite, plusieurs des notules ont été produites en liaison avec la plate-forme de Wikipédia. Cela signifie que nous avons créé de toute pièce des articles dans Wikipédia lorsqu’ils n’existaient pas (Blodwen Davies, Octave George-Marie Bilodeau, Oswald Michaud, etc.) ; dans d’autres cas, nous avons traduits des articles (Kathleen Norris Thompson), ou encore nous les avons bonifiés. L’objectif était contribuer aux articles de Wikipédia pour que le fruit de notre travail bénéficie au plus grand nombre et fasse croître le domaine des biens communs. Cette collaboration a culminé par la promotion sur la page Facebook de Wikimédia Canada des notules publiées tout au long du mois.

De plus, lorsqu’il n’était pas possible de trouver une photo libre de droit pour illustrer un entrant, notre collègue François Charbonnier a créé une illustration les représentant à partir des images à notre disposition. C’était aussi une manière d’attirer l’attention sur la fragilité de notre mémoire et de ranimer quelques oeuvres en mêmes que quelques visages.

Nous avons réussi à recruter quelques spécialistes disciplinaires. Enfin, nous avons été plus rigoureux dans l’utilisation des logiciels libres pour la gestion interne du calendrier.

Nous aurions voulu ajouter les journaux de l’année (qui tombent aussi dans le domaine public) en fouillant les hauts-faits de l’année 1966 mais le temps nous a manqué.

Un grand absent de notre récolte (et un regret collectif) : Walt Disney. L’oeuvre de ce créateur est cadenassée dans un tel labyrinthe juridique qu’il nous semblait impossible d’avoir une prise quelconque sur son legs dans le contexte qui nous intéressait. Il est à cet égard assez ironique de constater que Charles Thorson, un Manitobain d’origine et qui figure dans la cuvée du calendrier de cette année, a dessiné pour les studios d’animation de Disney, de même que M.G.M. et Warner Brothers, puis Fleischer Studios. Il a prêté son talent pour illustrer des figures aussi légendaires que Bugs Bunny, Popeye, Elmer Fudd, Raggedy Ann et Andy… Que reste-t-il de son héritage en termes de biens communs… ?

À l’an prochain ! Ou même avant…

Note : une autre version de cet article est parue sur Bibliomancienne et sur Voir.

Source de l’image : Calendrier de l’avent du domaine public 2016, https://avent.savoirslibres.ca/2016/oswald-michaud/, illustration d’Oswald Michaud par François Charbonnier, licence : cc-by-sa.