Projet de loi C-4 : Des bonnes nouvelles pour le domaine public canadien ?

Comment faut-il entendre ce tweet annonçant que la durée du droit d’auteur au Canada demeurerait inchangée dans le projet de loi C-4?

Les appréhensions de ceux et celles qui défendent le domaine public, la culture et les savoirs libres au sujet des nouvelles conditions entourant l’extension du droit d’auteur au sein de l’Accord commercial Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM), demeurent bien réelles.

Le Canada, selon les termes de l’ACEUM, est, en effet, appelé à rejoindre la cohorte des pays « vie+70 », sur le modèle de la propriété industrielle, à la manière des États-Unis. Comment faut-il entendre ce tweet de Michael Geist annonçant que la durée du droit d’auteur au Canada demeurerait inchangée, dans le projet de loi C-4 présenté le 29 janvier dernier, et que le statut « vie+50 ans » pourrait être maintenu ⏤ ainsi que les Canadien.ne.s ont pu en bénéficier jusqu’à ce jour (et qui correspond également à la norme internationale)? Serait-ce véritablement le présage d’une excellente nouvelle pour le domaine public canadien?

En réalité, le mot important dans la déclaration de Michael Geist est « for now ». De fait, le Canada demeure lié sous le couvert d’un traité international dûment signé. Il est peu probable que l’absence de ce volet contractuel dans le projet de loi actuel, que l’on jugerait pourtant bien opportune, soit pérenne. On peut plutôt s’attendre à des aménagements ultérieurs du dit projet de loi reflétant les termes contractuels de l’ACEUM pour sa mise en oeuvre. Dans les circonstances, notre seule véritable chance réside encore dans un mouvement de fond visant à dénoncer le contenu de cet accord concernant le droit d’auteur et ses conséquences sur le domaine public canadien, sur la culture et l’éducation libres.

La valeur éducative et scientifique du domaine public

Jour 8 du Calendrier de l’avent du domaine public 2020

Les membres du Café des savoirs libres s’activent en coulisse pour célébrer quelques grandes figures de la littérature, des Beaux-Arts, de la science, du journalisme ou de la politique dont les œuvres sous droit d’auteur s’élèveront dans le domaine public canadien dans quelques jours.

Il s’agit là d’un patrimoine inestimable et nous le tenons souvent un peu trop pour acquis. Ces calendriers sont pour nous une façon de le célébrer mais aussi de rappeler à quel point il est précieux — à quel point, plus que jamais, il est important de nous mobiliser afin de le protéger.

Micheline TremblayJe voudrais dire un gros merci du fond du cœur à Micheline Tremblay, ex-professeure de littérature canadienne française à l’Université Laurentienne, autrice et romancière, qui m’a très gentiment reçu la semaine dernière. Deux jours plus tôt, elle emménageait avec son époux dans une belle maison de retraite où ils passeront tous deux — je le leur souhaite! — des jours heureux. Le petit reportage qui suit est pour nous une première, mais certainement pas le dernier. Accrochez vos tuques, cliquez et c’est parti:

Madame Tremblay rejoint ainsi le petit groupe de chercheurs qui, aux côtés de bibliothécaires et autres passionnés de l’édition, s’intéressent et participent à ce travail de mémoire. Car, non seulement est-il possible (que dis-je, souhaitable!😄) d’utiliser nos Calendriers dans le cadre de toutes sortes d’activités pédagogiques, il n’est pas interdit d’y participer d’une manière ou d’une autre. Par exemple:

  • Préparation (personnelle ou collective) de notules et billets;
  • Création, correction ou enrichissement de pages Wikipedia;
  • Libération de droit sur des des articles, ouvrages ou documents;
  • Co-création (comme ici) de nouveaux contenus audio ou vidéo.

Hier, en réunion avec Marie et Pierre, nous nous disions qu’il faudrait inviter systématiquement des profs et des chercheurs, de tout niveau, à prendre en charge certains de nos « entrants » ou, au minimum, à collaborer avec nous dans leur célébration, comme l’a si bien fait Micheline Tremblay.

D’ailleurs, tout le monde y gagne! Nous, bien sûr, qui enrichissons ainsi la valeur éducative et médiatique de nos Calendriers, le public qui nous suit, qui découvre, qui réfléchit, mais également les chercheurs et enseignants eux-même qui bénéficient d’une perspective différente. Ils ont la possibilité d’y glaner des données, des réflexions, des angles auxquels ils n’avaient pas encore pensé.

Ainsi, hier matin, après avoir lu mon billet sur Virginie Dussault, Madame Tremblay m’a écrit ceci:

WOW! Quel beau travail. Vous m’avez appris beaucoup de choses sur Virginie Dussault et je regrette de ne pas avoir poussé plus avant, à l’époque, mes recherches. Je vous félicite et, croyez-moi, cela m’a incitée à parcourir d’autres textes du Café de savoirs libres. Merci encore.

À mon tour de dire “Wow!”. Qui suis-je pour donner des leçons à une professeure d’université mille fois plus au fait que moi de son sujet?

Comprenons bien que le travail d’analyse littéraire qu’elle a effectué dans le cadre de ses fonctions universitaire puis lors de la réédition du roman de Virginie Dussault, en 2003, reste la base précieuse et incontournable de notre compréhension contemporaine de l’œuvre de cette dernière. Reste qu’au début du 21ème siècle, les outils de recherche numériques que nous prenons aujourd’hui pour acquis, eux aussi, n’existaient pas.

Grâce aux collections numériques de Bibliothèques et Archives nationales du Québec, il est devenu beaucoup plus facile d’élargir le champ de nos recherches en les recoupant avec des observations relevant non pas seulement de la littérature, mais également de l’histoire ou d’autres disciplines. Même pour un profane ex cathedra comme moi. Cet outil est également très précieux. Lui aussi, nous devons le protéger.

Si ce genre de trouvaille et d’enrichissement de nos savoirs anciens est encore possible, c’est grâce à l’accessibilité des œuvres et travaux du passé. Personnellement, j’ai été quelque peu déçu de ne pouvoir consulter la thèse de doctorat de Guildo Rousseau qu’en sortant ma carte de crédit, alors qu’elle a été cofinancée par les impôts des Québécois et ne recèle pas vraiment de valeur commerciale. Pourquoi barrer ainsi les chemins du savoir? Cette thèse est à la fois un objet scientifique et un bien commun qui devrait être accessible à tous!

À bon entendeur, salut… et à demain matin pour un nouvel « entrant ! 🙂

Le Calendrier de l’Avent du domaine public de retour pour son 5e anniversaire!

Hommes au travail, 1943 (domaine public)
Ouvriers au travail sur Bleury et Ste-Catherine (1943), par Conrad Poirier (domaine public).

Le Calendrier de l’Avent du domaine public est de retour pour une cinquième année! Le cortège des entrantes et des entrants dont les créations entreront dans le domaine public en 2020 se prépare fébrilement en coulisse. Nous les adoptons, souvent au hasard, et après quelques coups de plumeau et deux ou trois clics1; nous les redécouvrons dans toute leur splendeur sous le réconfortant soleil du désoubli, pour notre plus grand plaisir et le vôtre.

Chaque jour du mois de décembre, un nouvel entrant ou une nouvelle entrante sera révélé(e), des informations sur leurs œuvres libérées nous invitant à reprendre le fil de cette grande conversation que notre ingrate mémoire, s’étiolant, avait nonchalamment interrompue.

Le domaine public rassemble l’ensemble des œuvres de l’esprit pour lesquelles les droits d’auteur et d’autrice sont expirés. Au Canada, l’expiration des droits se produit 50 ans après la mort du créateur ou de la créatrice. En vertu de ces termes, les œuvres deviennent librement accessibles et il est désormais possible de les partager, de les copier ou remixer sans demander d’autorisation ni payer de redevance. Ces sont des communs et des trésors patrimoniaux. Malheureusement, ces conditions juridiques qui prévalent actuellement pourraient ne pas subsister très longtemps. L’initiative du Calendrier pourrait donc tirer à sa fin.

Dans le rétroviseur

Dans les circonstances, nous avons décidé de souligner avec faste le cinquième anniversaire de ce projet fou en célébrant, aux côtés des nouveaux entrant(e)s, cinq figures de femmes dont les œuvres appartenaient déjà au domaine public canadien avant l’existence du Calendrier2.

À cette sélection canadienne dans le rétroviseur, nous avons ajouté une autrice américaine et une artiste mexicaine pour faire un clin d’œil à l’accord commercial Canada-États-Unis-Mexique dont les nouvelles conditions sont susceptibles d’entraîner la prolongation de la durée du droit d’auteur au Canada — en compromettant du même coup l’équilibre entre le droit d’auteur et celui des usagers et usagères tel qu’il est établi au Canada depuis plusieurs décennies.

L’aventure du Calendrier se déroule en parallèle avec celle de nos collègues français. La célébration conjointe des communs du domaine public met ainsi de l’avant, notamment et jusqu’à ce jour, le décalage entre les pays « vie+50 » et « vie+70 » pour en faire un exercice pédagogique.

Bref, ça commence demain:

Pleins feux sur les entrant(e)s du domaine public canadien!